Avez-vous encore envie d’excuser François Legault et son équipe face à leur gestion de la pandémie, sous prétexte que personne n’a rien connu de tel en 100 ans ? Après un an à baigner dans cette galère quotidienne, la réalité est que nous sommes en droit de demander mieux à notre gouvernement.
Autant nous sommes usés par la durée interminable de cette pandémie, autant nous assistons à la projection du même film qui tourne en boucle depuis un an : une explosion de cas survient faute de rigueur dans le respect des consignes sanitaires, la vague prend de l’ampleur pour finalement s’estomper quand tout le monde, par peur ou par obligation, finit par s’encabaner à double tour dans son domicile. Pas besoin d’être devin ni même épidémiologiste pour observer ici une certaine prévisibilité dans la propagation de ce virus.
Pourtant, chaque fois que le gouvernement décide de serrer la vis, son intervention semble toujours motivée par l’urgence, alors que tous les signes avant-coureurs d’un nouveau tsunami étaient pourtant présents. Et la bénédiction qu’il bénéficie de la population rend pratiquement impossible toutes critiques face à sa gestion de la crise.
Après l’expérience de la première vague, disons-le, plus soudaine, et de la deuxième, plus prévisible, le gouvernement Legault n’a aucune excuse devant l’improvisation et l’incohérence dont il a fait preuve encore une fois cette semaine, alors que son ministre de la Santé en personne a décrété, pas plus tard que le 29 mars, que nous étions officiellement dans une troisième vague au Québec.
Tous les indicateurs pointaient dans cette direction depuis plus d’une semaine : recrudescence des cas observés chez notre voisin ontarien, en France et ailleurs en Europe à cause de variants plus contagieux devenus la norme ; campagne de vaccination qui ressemble à tout sauf celle tenue en Israël ces derniers mois ; éclosions dans les écoles du Québec qui ont forcé leur fermeture pas plus tard que la semaine dernière dans notre région. Malgré tous ces signaux, François Legault semblait croire, jusqu’au 31 mars 17 h, que le Québec était comme le village gaulois d’Astérix et Obélix et que la troisième vague ne devrait pas y faire trop de ravage.
Est-ce sa confiance envers le Dr Arruda qui a semé le doute dans son esprit lorsqu’il affirmait la veille qu’on pouvait se permettre de monter jusqu’à 2000 cas par jours sans trop paniquer ? Si tel est le cas, le temps est peut-être venu pour M. Legault de remplacer ce violon désaccordé de son trio. Autrement, comment expliqué ce soudain revirement de situation en 24 h, indigne d’un gouvernement qui devrait avoir l’habitude de la gestion de crise après plus d’un an ?
Incohérences et improvisation
Il est d’autant plus difficile de ne pas déplorer cette improvisation alors que les restaurateurs en sont une fois de plus les principales victimes. À 24 h d’avis, ils ont appris qu’ils devaient faire à nouveau preuve d’imagination pour soit transformer, écouler ou donner à la hâte les stocks qu’ils avaient commandés en prévision d’un congé pascal qui aurait pu amener une fréquentation digne des temps anciens au sein de leurs établissements.
Et cette improvisation est d’autant plus frustrante qu’elle s’ajoute à l’incohérence de régions qui passent dans leur entièreté au palier rouge, alors que ce sont des sous-régions qui sont pourtant problématiques. Prenez Chaudière-Appalaches, par exemple, où L’Islet fait encore très bien, mais qui doit néanmoins se résigner à la fermeture de ses salles à manger alors que la situation est plutôt hors de contrôle en Beauce et à Lévis.
La situation est similaire au Bas-Saint-Laurent, où l’activité pandémique est principalement active dans l’ouest du territoire (Kamouraska et Rivière-du-Loup), ce qui a justifié aux yeux du gouvernement le passage de toute la région en zone rouge. L’augmentation des hospitalisations et le délestage sont toujours les raisons fournies pour justifier ce changement de palier, mais quand on remarque comment le gouvernement Legault a choisi de traiter les villes de Gatineau, de Québec et de Lévis sans considération à leur région d’appartenance respective, le refus de revenir à une approche par sous-région comme c’était le cas l’automne dernier est maintenant injustifiable.
Des promesses
À cette improvisation et ces incohérences s’ajoute également la stratégie communicative du gouvernement, qui n’a pas bougé d’un iota depuis un an, malgré les revers. Alors que l’adhésion aux mesures est collectivement de plus en plus difficile et qu’une grande majorité de gens avouera en privé y avoir contrevenu à l’occasion, on s’entête encore à pointer du doigt les tricheurs, leur faisant comprendre à mot couvert leur égoïsme derrière un appel à la solidarité, tout en promettant en échange un bonbon que le gouvernement a toujours été incapable de livrer à ce jour.
Lors de la première vague il s’agissait d’une « brève » mise sur pause du Québec, lors de la deuxième de la possibilité d’un Noël en famille et maintenant un passeport liberté pour l’été en échange d’une première dose d’un vaccin pour tout le monde d’ici la Saint-Jean-Baptiste, alors que les 65 ans et plus sont nombreux à ne pas avoir été en mesure d’obtenir un rendez-vous de vaccination avant la première, voire la deuxième semaine de mai ! Cette infantilisation des Québécois, parce qu’il en est une, est l’équivalent de promettre à un enfant du gâteau parce qu’on désire qu’il termine son assiette au plus vite, pour finalement lui dire qu’on aurait bien aimé lui en donner, mais qu’il n’en restait malheureusement plus chez le pâtissier. Après on se surprendra que les gens n’écoutent plus les directives ou qu’ils soient sceptiques quand papa et maman crient au loup…
La pandémie est bien réelle et très peu en doute, sinon quelques exceptions très bruyantes. Ses impacts sont toutefois dévastateurs à tous les niveaux et l’usure au sein de la population se fait de plus en plus sentir, alors que nous sommes dans le dernier droit et que les variants sont plus sournois. Pour rallier davantage aux mesures, l’heure est venue de faire appel à la raison et non plus à l’émotion. Projections, statistiques, graphiques, M. Legault, vous qui vous vous êtes toujours targué d’être un homme de chiffres, il est peut-être temps d’en faire bon usage.